Cinq heures trente, la rue s’animait de la pesanteur des réveils. Gérard Daumier comptait parmi les lève-tôt à qui l’on savait grès de faire peu de bruit. Juste le temps de déposer un baiser sur le front de Carole, son épouse, en guise d’à plus tard et il s’éloignait à pas feutré cueilli par la fraîcheur du matin. Une nouvelle journée de boulot commençait qui se clôturait quand arrivait la nuit, à la première étoile.
Lorsque l’on dévisageait ce petit chauve de près de cinquante ans, à l’allure altière et au regard souvent distrait, il était difficile d’imaginer qu’il fut à la tête d’une des plus grandes manufactures d’armement du pays. A.C.C.R.O, tel était son nom, devait le choix de son acronyme à ce qu’elle se faisait l’écho d’un monde en guerre permanente, un monde accro à la démence comme on l’est à une drogue pernicieuse. Son métier bien qu’il le dégoûtât, lui permettait essentiellement d’offrir à son épouse ce luxe qui faisait défaut à tant de couples et lui paraissait le juste miroir de sa réussite. Néanmoins avait-il rêvé d’autre chose que de disputer des contrats à longueur de journée et de gagner de l’argent à pronostiquer des conflits comme s’il s’agissait banalement de jouer au tiercé. Or, si le monde était mal fait, il n’y voyait pas sa faute. Quiconque à sa place aurait agît et pensé de même. Toutefois il aurait préféré être boulanger et vendre du pain : on ne nourrit pas les gens avec du plomb et il en était presque mécontent. Sa détente il la trouvait en la personne de sa nouvelle secrétaire, Pina, qu’il croyait lesbienne, mais après tout qu’importe, l’essentiel étant qu’elle lui présentât un derrière avenant dont il pouvait à tout moment percevoir les mouvements jusqu’au moindre pli. Pina n’avait pas été sans le remarquer et elle ne ratait aucune occasion de le mettre en évidence, ses jupes se restreignant de jour en jour. La trentaine naissante et les cheveux noirs ondulant sur ses épaules, elle était le prototype même de la secrétaire sexy et sérieuse, le désir chevillé au corps et l’esprit appliqué au travail.
Ce jour était entre tous exceptionnel en ce qu’il appelait une décision importante : pour une fois il allait défier son comité de direction en lui opposant les arguments de sa démission et puis il aurait ce dernier geste, royal estimait-il, de ne pas commercialiser une arme qui pour être révolutionnaire n’en était pas moins destructrice. Un tel engin tombant dans des mains inappropriée provoquerait Dieu seul sait quel désastre qu’il serait bien tard après de regretter. Ainsi donc Daumier s’apprêtait à tirer un trait sur un passé qui l’avait vu tout à la fois triomphant et anxieux, et c’était l’esprit serein plutôt qu’inquiet qu’il s’apprêtait à mettre la clé à son bureau lorsque soudainement un bruit se fit entendre comme si quelqu’un venait de choir. Cela provenait de la pièce voisine. Il accourut quelque peu hésitant.
Ingrid était couchée à terre, sa jupe retroussée et comme elle ne portait pas de culotte elle se présentait les fesses à l’air. Il s’approcha avec l’idée moins de se rincer l’œil que de la secourir. Son cul était cependant si fameux, frappé d’un rose si alléchant, qu’il ne put s’empêcher de le tâter d’une main qui su se faire toutefois lente et respectueuse. A la texture un peu molle de ce dernier il n’était rien à comparer sauf peut-être le désir quand il se nomme volupté. A peine avait-il satisfait à son besoin d’épiderme qu’un violent coup vint frapper sa nuque et le laissa inconscient. Quant il se réveilla il était bâillonné et sa femme gisait inconsciente à ses côtés. Il craignait qu’elle n’ait été molestée mais, se réveillant, elle le rassura d’un geste de la tête. Où étaient-ils ? Par la fenêtre il pouvait seulement deviner une plage. Un homme, qui semblait d’origine indienne, entra bien vite accompagné de la belle italienne dont il commençait à douter d’une honnêteté dont il ne fut plus sujet quand elle exigea le code du coffre où était déposé le brevet de l’arme qu’il refusait de commercialiser. Son optique était de le vendre au plus offrant qui ne pouvait être qu’un gouvernement terroriste. Elle ajouta que l’épouse de Daumier serait la première à souffrir de la mauvaise volonté de son mari. C’est alors que le téléphone sonna sourdement dans la pièce contingente et les deux complices ne mirent qu’un pas à aller répondre.
La porte était demeurée ouverte et dans l’entrebâillement Daumier pouvait voir Pina une nouvelle fois affichant son derrière – un vrai cul de salope, pensait-il !- tandis qu’elle répondait à son interlocuteur à l’autre bout du monde. Elle parlait en Anglais ce qui n’empêcha pas Daumier de comprendre que par cet appel un acquéreur venait de se signaler et que leur vie s’en trouvait combien plus menacée. L’indien pendant ce temps s’était approché du téléphone avec la lenteur d’un fornicateur et massait les fesses nues de Pina qui y trouvait plaisir. Quand elle raccrocha les deux corps se rencontrèrent. Pina avait un prénom taillé pour la baise qu’elle se devait d’honorer. Rapidement les cris de Pina venaient s’ajouter aux élans d’un corps de plus en plus engoncé dans sa mélopée. Chaque mouvement était une valse qui soupesait sa frénésie et réclamait son content d’interjection ; chaque minute une sueur qui mettait un peu plus de ruine dans leur anatomie. Les chairs enfin se réjouirent de se savoir du même cri et l’univers éclata dans un jet de sperme. Pina n’avait pas jugé utile de se rhabiller et quand elle revint dans la pièce elle était nue.
» Elles vous font bander, hein, avouez ; elles vous font bander mes belles fesses ! » tança-t-elle à Daumier qui n’en pouvait plus d’avoir la trique.
« Si vous leur vendez cette arme de destruction, vous aurez des milliers de victimes innocentes sur la conscience ! » s’exclama-t-il histoire de reprendre un peu de vigueur. « Qu’importe ! J’aurais surtout des milliers d’euro à dépenser ! Et puis ce n’est pas à vous à me faire la leçon… ! » « Avez-vous si peu de morale ! » « Ca vous va bien de me parler de morale… » « A.C.C.R.O n’a jamais traité avec des terroristes ! » Pina n’en finissait pas d’exposer ses fesses onctueuses sous le nez de Daumier, un vrai supplice de tantale. A.C.C.R.O est une entreprise gouvernementale. Vous n’êtes qu’un pion de plus à leur solde! » Daumier dû bien reconnaître à regret qu’elle avait raison. « Et maintenant si vous voulez jouir, donnez-moi le code. » Pina commença à déboutonner le jeans de Daumier qui déjà ne se sentait plus. Jamais il ne s’était trouvé plus vivant qu’en cet instant où il risquait sa vie. Carole restait médusée et plus encore quand elle vit la taille du sexe de son mari sur les parois duquel la divine secrétaire venait de déposer une langue gourmande. Daumier restait sans volonté, comme vidé de sa propre substance.
A son désir de jouissance s’opposait celui de la jeune femme de le faire parler. Elle vint s’empaler le cul sur son sexe raide comme un pieu et commença à imprimer ce délicieux mouvement de va et vient qui délie les langues les plus taiseuses. L’appétit vient en baisant paraît-il et l’espace lui-même semblait vouloir se sustenter à leur jouissance. La luxure parlait dans leurs voix qui se faisaient du bien et le froid ni la grisaille n’arrivait à corrompre cet instant à leurs moroses couleurs. Daumier qui avait toujours été un faible ne contînt pas plus longtemps le numéro du code, il tenait trop à jouir de son obsession et à lâcher les germes de son plaisir dans ce cul qui valait d’être nu. Elle lui arracha alors un cri qui allât tapisser le vide de la pièce avant de se retirer, satisfaite et comblée. « Vous voyez ! Ce n’était pas plus difficile que ça ! »
Pina sorti alors de son sac un révolver qu’elle donna à l’indien. « Il est l’heure je crois de se dire adieu ! » dit-elle d’un air sarcastique. Elle ajouta « Vous en savez trop, désolée! », avant de partir d’un rire de requin. Si l’Indien avait de quoi pavoiser en muscle, il n’avait heureusement pas la science des nœuds et Daumier n’eut aucune peine à se détacher. Pina était toujours nue, occupée à l’ajustement de ses sandales qui révélait la beauté lascive de ses pieds. L’indien ne vit pas venir Daumier qui se jeta sur lui tel un oiseau sur sa proie. Un coup de feu salvateur vint mettre un terme au débat qui avait pris des allures de combat et l’Indien s’écroula tué par sa propre arme. Daumier détacha rapidement Carole cependant que Pina se ruait toute nue à l’extérieur dans l’espoir d’échapper aux foudres de Daumier et plus encore à la justice. Le remuement rapide de son postérieur laissait présumer de la vitesse de sa course. Elle prit le chemin de la plage tandis que Daumier embrassait son épouse lui promettant de tout arrêter et mille choses encore que l’on dit quand on est amoureux. « Tu ne te lances pas à sa poursuite » s’inquiéta alors Carole. A quoi Daumier répondit « je ne pense pas qu’elle puisse aller très loin dans cette tenue». Soudainement au loin un horrible hurlement se fit entendre…
Pina dans sa hâte à fuir n’avait pas vu le panneau indiquant la présence de sables mouvants et s’y était jetée d’un seul geste. Cependant qu’elle s’enfonçait dans le sol avide de sa nudité, l’effroi pouvait se lire sur son visage et les mouvements syncopés de son corps augmentait la verve de son inéluctable enlisement. Quand le silence revint Daumier comprit que Pina venait d’entamer son dernier voyage.